mardi 12 novembre 2013

Ambroise Fontan, « une tête brûlée »

Cécile, 33 ans, se souvient d'Ambroise Fontan, un de ses arrière-grands-oncles. Il n'a pas survécu à la Grande Guerre, puisqu'il est mort en octobre 1918 en Haute-Marne, peu avant l'armistice, donc. Son histoire de « poilu » a été transmise dans la famille jusqu'à aujourd'hui. Et son prénom à l'un des fils de Cécile.

Ambroise Fontan est le plus jeune oncle de mon grand-père maternel. Il va de soi que je ne l'ai pas connu, puisqu'il est mort à 23 ans, un jour d'octobre 1918, quelque part en Haute-Marne. Je n'ai pas connu non plus Joseph, son frère aîné, le seul à être revenu vivant des tranchées. Qui ont englouti, outre Ambroise donc, Jean-Baptiste et Denis, qui étaient prêtres et brancardiers sur le front. Joseph, après la guerre, a réussi à faire rapatrier leurs cercueils dans leur petit village des Hautes-Pyrénées, Tuzaguet. Comme dans le film La Vie et rien d’autre. Est-ce vraiment eux qui sont enterrés dans leur vallée d’où ils sont partis un jour pour revenir les pieds devant ?

Mais revenons à Ambroise. Et à mon grand-père aussi, puisque c’est lui qui, pudiquement, m’a transmis les bribes de cette histoire, sous le regard de Joseph, figé dans son uniforme de soldat, dans un cadre, sur une étagère du salon. Il a le regard complètement vide. J'ai fait le rapprochement récemment entre son regard et celui de soldats photographiés avant et après leur retour d'Irak. Joseph leur ressemble. Mon grand-père, le fils de Joseph, porte les prénoms des trois morts de 1914 : Jean-Baptiste, Denis et Ambroise. Comme pour exorciser leur mort. Cela m’a toujours fait bizarre, quand j'étais gamine et que nous allions au collège de Garaison où mon grand-père a fait ses études, de voir son nom inscrit dans la liste des anciens élèves morts au front en 1914. Alors qu'il était né après cette guerre et toujours vivant.

Paquebot Rochambeau.

Ambroise donc. Vingt-trois ans, une vie fulgurante. « C’était une tête brûlée », furent les premiers mots que l’on m’a dits sur lui. Car Ambroise, avant de mourir quelque part en Champagne, avait tenté sa chance à New York. Partir de la ferme familiale en 1912, à 17 ans à peine, rejoindre sa sœur, Ernestine, et son beau-frère. Il est parti sans doute en train jusqu’au Havre. Puis la traversée sur le Rochambeau pendant deux semaines. En troisième classe, bien sûr. Avec d’autres, qui venaient de Suisse, d’Espagne, de Hongrie, de Russie, de Syrie. Les registres d’Ellis Island sont si précis. On y retrouve Ambroise à son arrivée, le 20 mai 1912, yeux et cheveux noisette, 1,62 m, qui tient son pécule de sa mère, Pauline. Qu’a-t-il fait à New York pendant trois ans ? Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il refait la traversée dans l’autre sens en 1914 pour se faire incorporer. Et faire la guerre quatre ans durant. A-t-il eu des permissions pour revoir sa mère ? A-t-il croisé ses frères sur le front ? Je ne sais pas. Je sais peu de choses de sa guerre, des reformations de régiments, au fur et à mesure que ceux-ci étaient décimés, comme le précise son livret militaire.

Sa mort, si jeune, si près de l’armistice, continue de m’interroger. Qu’aurait-il fait après la guerre ? Serait-il revenu aux États-Unis ? Je n’ai même pas de photo de lui. Que cette page de registre d’Ellis Island, consultable aujourd’hui en ligne, magie d’Internet.

Fiche d'Ambroise Fontan du site www.ellisisland.org.

J’ai donné son prénom à un de mes fils. En sa mémoire. Et parce que jusqu’à sa mort, ce prénom était donné à chaque génération. La tradition s’était perdue… Son souvenir vit ainsi encore un peu.


Cécile Prévost (@Cecile_Prevost)

NB : les liens et les images ont été ajoutés a posteriori.

5 commentaires:

  1. Bonjour,
    Vos renseignements ne sont pas exacts. Paul Ambroise FONTAN est mort le 09 Juin 1918, à Ormes, près de Reims; dans la Marne, et non pas juste avant l'armistice ni en Haute Marne. Inhumé à Villedommange (mon village) deux jours plus tard, comme vous pouvez voir sur mon blog "Les Hommes du 43e RIC". Deutre part, Jean Baptiste et Denis semblent être un seul et même homme.
    Bien à vous,
    H H

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  2. je veux dire : d'autre part...

    En outre, le corps d'Ambroise ne semble pas avoir été rapatrié puisque l'on trouve une tombe à son nom dans la Nécropole Nationale La Croix Ferlin, à Bligny, MARNE.
    H H.

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  3. Merci de me contacter par l'intermédiaire de mon blog.
    H H

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  4. Veuillez m'excuser :erreur de lecture de ma part: le corps d'Ambroise a bien été rapatrié dans son village.
    H H

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